Logo Association

Le sombre destin de deux "déséquilibrés"
mise en ligne le mardi 19 octobre 2004

Quel couple Stéphane Krauth formait-il avec Péroline ? Le Dr Zagouri, expert-psychiatre, résume ainsi la situation : "L’union de deux jeunes immatures et déséquilibrés qui jouaient au papa et à la maman sans y parvenir".


 
Stéphane n’avait pas un mois quand sa mère, elle-même issue de l’Assistance publique, abandonne son fils à ses parents adoptifs. "Débrouillez-vous avec lui", lance-t-elle avant de disparaître pour toujours. L’enfant est confié à celui que le voisinage surnommait "le papy", un boucher-charcutier violent et alcoolique qui faisait régner la terreur à la maison. "Ma grand-mère était une femme soumise, qui me réconfortait quand mon grand-père me faisait subir des sévices", relate l’accusé. C’est cette sainte femme qui, sur son lit de mort, confie à une soeur bénédictine son terrible secret : Stéphane serait le fruit d’une relation incestueuse entre sa mère et son grand-père. "Des ragots, du n’importe quoi !", conteste l’intéressé en gesticulant dans son box."Mon père était un chauffeur de taxi parisien !". La réaction ne surprend pas le Dr Zagoury : "Pour l’accusé, cette hypothèse est à la fois monstrueuse et indicible".

"Cadeau empoisonné"

André et Marie-Rose Krauth adoptent l’enfant quelques années plus tard mais la greffe familiale ne prendra jamais. "Stéphane s’est longtemps considéré comme un cadeau empoisonné, un déchet", note le psychiatre. "Dans le fantasme de ses parents, il s’agissait de le sauver du déterminisme de ses origines. Mais on n’efface pas ses origines. M. et Mme Krauth ont fait ce qu’ils pouvaient et même plus encore". Hier, l’accusé s’est montré pourtant peu indulgent avec ceux qui, vingt-deux ans plus tôt, l’avaient recueilli :

-  Mon père était très autoritaire. Il était chef au travail et perpétait (sic) ça à la maison. Mes parents étaient des cathos pratiquants à l’extrême, presque fanatiques. Mes copains les trouvaient bizarres.

-  Catho, c’est pas une tare !, intervient l’avocate générale.

-  C’était la prière avant les repas, le chapelet dans la voiture, la chapelle dressée le soir, grimace l’accusé.

-  N’exagérez pas !, s’indigne Madeleine Simoncello.

-  Si, je vous jure. Ils pensaient et décidaient à ma place, tout passait par la religion. J’habitais avec eux mais je vivais pas dans le même monde. En fait, j’ai vraiment appris à les connaître depuis que je suis en maison d’arrêt.

-  Forcément, au parloir, il vous est difficile de sauter à la gorge de votre maman, comme autrefois !, grince la représentante de l’accusation.

Violent le jour, vivant l’autorité comme une "persécution permanente", en "rébellion psychopatique" avec sa famille, Stéphane Krauth souffre la nuit de somnambulisme et d’hallucinations. "Mes parents m’ont tellement bourré le crâne avec ça que j’ai pensé que j’étais obsédé [possédé]. Ils m’ont emmené voir un exorciste. C’était pas marrant, pour un petit jeune comme moi, d’entendre parler du diable et de tous ces gens qui vomissent du sang !".

Couple contrarié

Cette personnalité en ébullition croise en l’an 2000 la route de Péroline Garino. Elle aussi a vu sa mère "partir" quand elle avait cinq ans. "Elle m’a dit qu’elle allait faire des courses, je l’ai jamais plus revue. Mon père était militaire, il faisait beaucoup de manoeuvres alors mes grands-parents m’ont élevée", raconte-t-elle dans une tunique couleur camouflage. Une petite Léa naît de cet improbable ménage. "Ça m’a rapproché de moi-même vis-à-vis de mon être profond, vous comprenez ?", bredouille Krauth.

C’est ce couple très contrarié, conflictuel et violent, "où chacun manipule l’autre", qui se transporte au soir du 22 juillet 2001 en forêt de Mouterhouse pour brûler le cadavre de Karine, tuée quelques heures plus tôt par Stéphane Krauth dans des circonstances que la cour va devoir à présent déterminer. Comble du sordide : le corps fumait encore lorsque les deux amants échangèrent un rapport sexuel dans leur vieille Mazda, garée à quelques mètres de là. "N’y voyez pas le signe d’une perversion mais un partage transgressif du mensonge. Sous les bombes, pendant la guerre, les rapports sexuels étaient fréquents", analyse le Dr Zagoury. Cette fois, c’en est trop pour Édith Schaaff, la maman de Karine, qui s’effondre sur son banc.

 

Nicolas BASTUCK
retour

 
Page d'AcceuilArchives de presseL'ActualitéChroniquesPoèmesNotre associationNous contacter