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Le témoignage de Péroline : la pièce manquante du puzzle "Stéphane m’a tout raconté. S’il ne se décide pas à le dire au juge, c’est moi qui le ferai... Il y a des trucs trop louches !". Au lendemain d’une troisième garde à vue, mercredi soir dans les locaux de la gendarmerie de Mulhouse, Péroline, l’amie de Stéphane Krauth, s’est décidée à parler. Hier soir à Bitche, où elle était arrivée par le train de 17h05, les enquêteurs l’ont entendue une quatrième fois, mais en qualité de simple témoin. Sa déposition serait accablante pour Stéphane Krauth ; elle contredirait le scénario de l’accident et accréditerait la thèse du crime crapuleux.
"Je connais toute l’histoire, de A à Z. Je suis la seule à tout savoir. C’est dur à sortir, à tout dire d’un coup. J’voudrais l’dire mais ça sort pas. Je suis encore bloquée. Mais le jour où ça sortira, ça pétera !". Partie de Mulhouse avec son bébé en début d’après-midi, Péroline est arrivée en gare de Bitche à 17 heures, pull marine et pantalon rouge, visiblement stressée. Quelques heures plus tard, l’amie de Krauth - mis en examen pour enlèvement et séquestration suivie de mort et écroué depuis le jeudi 2 août - devait se confier à la gendarmerie de Bitche... Dans l’interview qu’elle a accepté d’accorder au Républicain Lorrain, à Bitche, Péroline devait évoquer simplement son existence, depuis l’incarcération de son fiancé. À la table d’un café du centre-ville, la jeune fille parle alors de sa petite fille Léa, jetant de temps à autre un oeil maternel sur la poussette dans laquelle le bébé (trois mois) a fini par s’assoupir, après avoir "pleuré pendant tout le voyage". Elle dit en soupirant : "Elle doit ressentir tout mon stress...". Cette jeune mère de 19 ans relate sa vie avec Stéphane Krauth, les violences que celui-ci lui aurait infligées, "souvent". Son visage s’assombrit. "Au début, on rigolait bien. On venait de sortir ensemble quand Stéphane s’est embrouillé avec ses parents. Moi, je venais de me disputer avec les miens. C’est comme ça qu’on a décidé de s’installer ensemble. On a fait une erreur, on est allé trop vite". "Le père de ma fille" Léa est née presque aussitôt, "par hasard". Pour quelles raisons Krauth se serait-il mis à battre sa compagne ? "Des bêtises, tout et n’importe quoi". De quelle façon ? "De toutes les façons. Il pouvait me donner une paire de claques ou me frapper avec un bâton". Pourquoi ne s’était-elle pas enfuie ? "J’avais rien, pas d’attaches, aucun moyen financier. Et puis, c’est quand même le père de ma fille". Péroline raconte les liens de "solidarité" qui l’unissaient alors à Stéphane : "On a tous les deux été abandonnés étant jeune. C’est tout ce qui nous rapprochait, rien d’autre". Puis, plongeant sa tête entre ses bras, elle tente de dissimuler ses larmes : "C’est mon copain, j’arrive pas à le dénoncer. Mais entre le moment où il a percuté et brûlé Karine, je sais ce qu’il a fait, où il est allé, l’endroit où il a planqué les affaires de la jeune fille. Il faudra un jour que je soulage ma conscience. Faut d’abord que je me réhabitue à Bitche, au regard de tous ces gens qui me dévisagent". Quelques heures plus tard, Péroline "soulageait" effectivement "sa conscience" dans les locaux de la brigade de gendarmerie de Bitche... Péroline revient alors sur sa vie avec Stéphane, ses accès de violence, les rapports auxquels il la "contraignait"... "Je vivais avec, on peut pas parler de viol. Mais c’est clair qu’il me forçait. Moi, j’avais plus envie, il était trop violent". Elle ravale un sanglot puis ajoute, énigmatique : "Avec moi, il faisait pareil. Pourquoi pas avec elle ? C’est possible !". Elle poursuit : "Au début, j’ai cherché à le protéger. C’était quand même mon copain. Mais plus les jours passaient, plus j’me disais que c’était pas bien de pas dire la vérité". Elle revient enfin sur ce dimanche 22 juillet, jour de la disparition de Karine. "Il est rentré le soir à Mulhouse, il avait l’air très énervé. J’ai pas trop fait attention, j’étais trop contente de le revoir. Il m’a juste dit qu’il avait eu un accident avec un vélo. Plus tard, je suis descendue voir la voiture, le clignotant était cassé. Le lendemain, il a changé les quatre pneus. J’ai trouvé ça bizarre". Lorsque Péroline a entendu parler de Karine, de sa disparition dans d’étranges circonstances, de la "voiture blanche" que toutes les polices de France recherchaient, ça a fait tilt tout de suite. "On regardait la télé, j’ai dit à Stéphane : "Tu peux tout me dire, de toute façon je suis pas conne. Je préfère l’entendre de ta bouche. Il s’est tu". Mais au fur et à mesure que les jours passaient, Stéphane commençait à s’épancher. "À chaque fois, il me disait un truc nouveau. Ça devenait louche, de plus en plus. Le mardi où les gendarmes sont venus le chercher à la maison [le 31 juillet, soit neuf jours après la disparition de Karine, NDLR], il m’a tout raconté. Il savait que les gendarmes rôdaient dans le secteur. C’est là qu’il m’a dit : "Je vais tout te sortir"". Garde à vue Placée le lendemain en garde à vue, quelques heures après son ami, Péroline n’a d’abord rien dit. La deuxième fois non plus, le vendredi 3 août, au lendemain de la découverte du corps, en forêt de Mouterhouse, et de l’incarcération de son ami. Avant-hier soir encore, après sept heures de garde à vue à Mulhouse, Péroline était restée très évasive. Mais lorsque nous l’avons rencontrée, hier soir à Bitche, elle semblait déterminée à "tout dire aux gendarmes". Son récit serait accablant pour son ex-concubin. "C’est ce soir ou jamais. De toute façon, maintenant, ça ne sert plus à rien de le couvrir. Je peux même emmener les enquêteurs sur les lieux et leur montrer où Stéphane à enterré les affaires de Karine. Je sais où c’est, Stéphane me l’a dit. On allait souvent se balader là-bas". Après avoir - à l’instar de Krauth - tenté de charger Sébastien, Péroline disculpe aujourd’hui le meilleur "ami" de son concubin : "Seb’ a rien à voir là-dedans". Mais alors, pourquoi l’avoir mis en cause à ce point ? "Steph’ a voulu se venger. On a appris que Sébastien avait témoigné sur sa venue à Bitche, le 22 juillet, avec sa Mazda 323". Selon nos informations, dans la déposition qu’il avait faite jeudi dernier aux gendarmes - durant la garde à vue à l’issue de laquelle il devait ressortir libre avec un alibi que le procureur avait qualifié de "béton" - Sébastien aurait évoqué des confidences de Krauth sur des "projets d’agression", puis son passage à l’acte. "Voir Stéphane" Au départ, hier, Péroline était venue à Bitche dans l’intention de "voir Stéphane", incarcéré à Sarreguemines. Mais aussi parce que les gendarmes lui avaient dit que le juge envisageait une confrontation avec son ami. "J’ai peur, je stresse à cause de ça". Mais un peu plus tard dans la conversation, elle confiera : "C’est trop dégueulasse, ce qu’il a fait. Pourquoi ne m’a-t-il rien dit ? Pourquoi m’a-t-il frappée après les faits ? Pourquoi changeait-il toujours de version avant d’être arrêté ? Surtout, pourquoi a-t-il fait ça ? Toutes ces questions trottent dans ma tête. Je voudrais les éclaircir, en avoir le coeur net. Tant que ça ne sera pas fait, je ne pourrai pas lui pardonner". Tard, hier soir, une source proche de l’enquête confiait : "Nous avons désormais les principaux éléments du puzzle. Il nous manquait ce témoignage". |
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